Bula !

Non, on ne bulle pas ! Enfin, quant mĂŞme un peu… « Bula Â» veut dire « bonjour Â» en fidjien. Nous sommes arrivĂ©s Ă  Savu Savu, charmante ville situĂ©e au Nord Est des Fiji sur l’île de Vanua Levu, après 24 heures de navigation agrĂ©able (comme quoi on peut aussi se faire plaisir en croisière). Il a fallu cependant assurer les quarts de nuit sĂ©rieusement en raison de la prĂ©sence de nombreux cargos dans le coin qui ont la mauvaise manie de frĂ´ler le Mootea par curiositĂ©. Il y avait aussi de nombreuses Ă®les et rĂ©cifs sur le chemin, nous devions donc nous assurer que le bateau (et le pilote automatique) restaient bien sur la trajectoire que l’on avait programmĂ©e. Donc chacun notre tour (toutes les 2 heures), on s’est relayĂ© sur le pont pour surveiller notre navigation.
L’est des Fiji est très aride Viani Bay Sur les hauteurs de Savusavu

On Ă©tait bien contents d’arriver Ă  Savu Savu car c’est une ville tournĂ©e vers les bateaux Ă  l’inverse de Suva. Nous avons retrouvĂ©s pas mal de voiliers croisĂ©s en chemin depuis notre dĂ©part de Tahiti et nouĂ© de nouvelles amitiĂ©s avec d’autres. Hier soir, on s’est fait un barbecue cosmopolite entre italiens, australiens et français. Bon autant avouer que les discussions partaient dans tous les sens et que notre charabia composĂ© de plusieurs langues Ă©tait loin de ressembler Ă  de l’espĂ©ranto ; mais bon c’est toujours sympa. Les amitiĂ©s en bateau se nouent très vite (c’est diffĂ©rent de la vie Ă  terre) mais elles se dĂ©nouent aussi rapidement.
Nous sommes cependant étonnés de ne pas rencontrer plus de bateaux voyageant avec des enfants en bas âge. Surpris, car nous avions lu pas mal de récits de familles parties autour du monde en voyage et là, nous n’avons croisé que quelques voiliers avec des adolescents et un seul avec des bébés de 2/3 ans.
Mouillage Savusavu Aqualand Viani Bay

Après avoir fait le plein de fruits et lĂ©gumes Ă  Savu Savu et rempli encore une fois des tonnes de paperasse en 3 exemplaires (pour satisfaire aux exigences des douanes fidjiennes) nous avons mis le cap sur l’île de Taveuni. Mais l’on a eu une très mauvaise surprise : notre pilote automatique est tombĂ© en panne, comme ça, impossible de le mettre en marche. On l’a dĂ©montĂ©, inspectĂ© sous toutes les coutures mais rien Ă  faire, il a rendu l’âme. Mauvais coup pour nous… Il nous est impossible de faire de longues navigations sans son aide. Cela nous imposerait de tenir la barre tout le temps (jour et nuit) ; Ă  deux et surtout avec un bĂ©bĂ©, cela serait inconcevable. Nous attendons donc un nouveau pilote commandĂ© sur Internet en espĂ©rant que ce nouveau modèle s’adaptera Ă  notre barre Ă  roue hydraulique (les voileux comprendront, les autres ne vous tracassez pas, l’explication des diffĂ©rents types de barres n’est pas très excitante). De toutes manières, nous sommes obligĂ©s pour l’instant de naviguer sans pilote pour retourner sur l’île principale de Viti Levu oĂą l’on est censĂ© recevoir notre colis. L’on s’arrange pour ne naviguer que de jour, en nous arrĂŞtant de mouillages en mouillages afin d’y passer la nuit, ainsi la navigation est moins pĂ©nible. Cela permet aussi de dĂ©couvrir des baies reculĂ©es avec des villages sympas reliĂ©s Ă  aucune route. Les fidjiens sont toujours très accueillants et gentils, nous n’avons jamais eu de mauvaise surprise pour l’instant. Et la fĂ©roce rĂ©putation de cannibales des fidjiens, bien que pas si ancienne que ça (les derniers festins remonteraient Ă  150 ans) est Ă  remiser dans les manuels d’histoire Ă  prĂ©sent. Plat cannibale
Lorsque l’on arrive dans un nouveau village, nous devons effectuer le sevu sevu. C’est une coutume qui consiste à offrir au chef du village des racines de Kava qui, pillées puis infusées, donnent une boisson que l’on boit entre amis, voisins et invités selon un rituel bien précis.
spécial quand même... En ce qui nous concerne nous n’apprécions pas trop le goût et l’aspect boueux de cette décoction mais, consommée en grande quantité, elle est enivrante et relaxante.
Préparation du kava Le kava chez les pécheurs Body et sa fille Sina
Il y aurait beaucoup de choses Ă  raconter sur les coutumes de cet immense pays… Saviez-vous par exemple, qu’il est très impoli de toucher la tĂŞte de quelqu’un ici ? C’est absolument tabou. Evidemment, Florent, n’a pas eu de meilleure idĂ©e que de donner une petite tape sur le visage d’un « notable Â» d’un village, au cours d’une fĂŞte pour son anniversaire, afin d’écraser un moustique ! Notre hĂ´te en est restĂ© mĂ©dusĂ© de stupĂ©faction. Il a fallu se confondre en excuses pendant un bon bout de temps, ils ont vraiment du se dire que ces Ă©trangers n’avaient dĂ©finitivement aucune Ă©ducation
Cérémonie du kava au village Vuya Cérémonie du kava au village Vuya Les femmes d'un coté ! Le kava Cérémonie du kava au village Vuya

Notre dernière Ă©tape dans un village a Ă©tĂ© fantastique. Nous avons rencontrĂ© plein de gens très chaleureux, pas du tout habituĂ©s Ă  cĂ´toyer des Ă©trangers. Nous avons eu droit Ă  une cĂ©rĂ©monie très officielle pour le sevu sevu avec discours solennel du chef devant tout le village. Nous avons assistĂ© Ă  une sorte de kermesse organisĂ©e par l’église pour rĂ©colter des fonds. Il faut s’imaginer une Ă©glise vidĂ©e de ses bancs, la vierge Marie religuĂ©e dans un coin, la sono Ă  fond avec de la musique rythmĂ©e (pas des cantiques Ă  la gloire de JĂ©sus), des bassines de Kava partout et des villageois qui dansent avec liesse. Ils ont fait la fĂŞte jusqu’à une heure du matin et pas mal Ă©taient « saoulĂ©s Â» le lendemain par le kava. VoilĂ  comment ils ont fĂŞtĂ© l’assomption !
Kermesse de l'Ă©cole Fiji_123.jpg Le kava... Fiji_117.jpg Fiji_130.jpg Fiji_131.jpg

Mais derrière toute cette hospitalitĂ© et gentillesse, nous demeurons interpellĂ©s par leur pauvretĂ©. Ils vivent dans un grand dĂ©nuement et les enfants sont malades : galeux, morveux, crachoteux, toussoteux mais si attachants. Evidemment, tout le monde s’arrache Maya. Nous sommes parfois hĂ©sitants : faut-il la laisser de bras en bras au risque d’attraper la gale ou autre pneumonie ? C’est difficile lorsque tu veux vraiment aller Ă  la rencontre des gens de mettre une barrière physique avec eux, de leur refuser de prendre Maya dans leurs bras ou de lui faire des bisous. Dans ce village, nous avons rencontrĂ© un gars d’une vingtaine d’annĂ©es qui Ă©tait en train de mourir d’une cellulite maxillo-faciale Ă  point de dĂ©part dentaire dans l’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale.
On a eu du mal Ă  comprendre leur mentalitĂ© fataliste, attentiste, confiant dans leur mĂ©decine traditionnelle. Mais l’état de ce jeune homme empirait depuis 13 jours, il Ă©tait monstrueux Ă  voir et ils ne le conduisaient pas Ă  l’hĂ´pital situĂ© Ă  10 km du village… On n’y est pas allĂ©e avec des pincettes pour l’annonce du pronostic : on lui a dit qu’il allait mourir ! RĂ©sultat : l’inertie gĂ©nĂ©rale s’est mise en branle et notre patient est depuis 20 jours sous pĂ©nicilline IV Ă  l’hosto !


A SUIVRE ...

Le départ de Vuya Fiji_200.jpg